Forum Angolano de Reflexão e de Acção.
28 Décembre 2014
Par Makisosila Mawete
La société africaine contemporaine est le produit de sa mal évangélisation et la diabolisation de sa culture à travers plusieurs termes péjoratifs.
Nous entendons par mal évangélisation, les conséquences visibles de la théologie fondée sur les Recommandations de Léopold II Roi des Belges aux prêtres en partance au Congo. Selon cette théologie, les missionnaires ne sont pas venus au Congo pour enseigner aux Noirs ce qu’ils savaient déjà mais pour préparer l’installation de l’administration, de l’armée et de l’industrie belges. Il fallait absolument enlever aux Noirs toute capacité de résister. Léopold II insiste en rappelant qu’il fait allusion aux fétiches. Les missionnaires font de tout temps tout ce qui est possible pour enlever aux Noirs toute capacité de penser, de prise de conscience et d’action, que leur confère la maîtrise de la parole, du chant, de la danse et des théories et des idées. Leur travail est inlassablement poursuivi par les églises dites de réveil.
La diabolisation des ancêtres africains et leur culture est fondée sur une théologie qui recommande avec insistance aux convertis africains au christianisme de rompre tous leurs liens avec leurs ancêtres et leur culture. C’est la plus grave atteinte à la conscience culturelle et historique africaine. Cette situation est aussi aggravée par le fait que c’est aux descendants africains eux-mêmes qu’a été confiée la mission d’accomplir cette sale besogne. L’expansion des églises de réveil est considérée comme une seconde invasion de l’Afrique. Ce n’est pas Jésus-Christ qui est le problème majeur pour ce qui résiste actuellement contre l’évangélisation, c’est tout ce qui est accompli de maléfique en son nom. L’emprise de la mauvaise évangélisation et de la diabolisation des ancêtres africains et leur culture est tellement grave que les plus fidèles serviteurs de Dieu commencent à chanter des thèmes tels que singa (liens, alliances, connection et déconnection, etc.) de Michelle Shabani ou kitisa moto (descends le feu) du regretté Alain Moloto du groupe de gospel Gaël.
Cela fait longtemps, depuis le quinzième siècle, l’évangélisation représente un lieu de conquête politique. La religion et la politique ont fabriqué des terminologies qui continuent à « imbéliciser » les Noirs. Nous avons tenter d’éclairer nos lecteurs sur les bons et les mauvais sens de certains termes emblématiques courants.
1 - FÉTICHE
Le terme fétiche a contribué à la destruction totale de la médecine traditionnelle africaine. Il est associé à tout ce qui représente le mal : la médecine et la pharmacopée africaines, l’oracle, la spiritualité, les liens avec les ancêtres, la sorcellerie, la magie, la malédiction, le spiritualisme ou maraboutage, l’occultisme, etc.
Pour comprendre ce qui est en jeu, il est demandé au lecteur de constater que toutes ces pratiques sociales sont universelles. Cela veut dire que tous les peuples dii monde ont inventé et développé leurs pratiques fétichistes depuis de temps immémoriaux. L’Afrique ne fait donc pas une exception dans le monde de pratiques fétichistes. Il existe des salons nationaux et internationaux de magie, de voyance, des sciences occultes, etc. organisés tous les ans en Occident. Ces salons connaissent un franc succès. Les journaux, ouvrages et les magazines spécialisés sur ces pratiques sociales se comptent en milliers. Le succès des films, vidéos, des ouvrages et de l’école de la sorcellerie de Harry Potter rapporte des millions de dollars chaque année. Cette situation ne dérange personne. Les oeuvres d’art considérés comme des fétiches africaines ont été pillées et constituent des riches collections qui rapportent gros sur le marche national et international des arts. Cela ne dérange pas également personne. Ce sont les oeuvres qui sont encore conservées par les Africains et leurs capacités d’en créer d’autres qui représentent par contre un problème pour tous les idéologues et les croisés qui combattent la culture africaine.
Est-ce qu’il existe des fétiches en Afrique ? L’Afrique pratique-t-elle le fétichisme ?
Il est indispensable de définir avant toute chose ce qu’est-ce le fétiche, idéologiquement traduite en « nkisi ». Ce qui permet de connaître la mauvaise intention de ce celui qui a défini. Ne dit-on pas que traduire, c’est trahir ? Est-ce que nkisi peut-il honnêtement se traduire en fétiche ? Malheureusement, il n’y en aucun lien entre le fétiche invention des Portugais et le nkisi des Kongo. Malheureusement, combien des personnes ne déclarent pas « ngai nazuaka kisi te » en privé comme en public, croyant dire quelque chose de sensé. Qui leur a dit que nkisi c’est fétiche ? Qui leur a dit que l’usage du nkisi en tant que fétiche est un péché ? Pourquoi les millions de nkisi usurpés aux Africains ne portent pas préjudice spirituel aux collectionneurs d’arts africains, -dont nombreux furent des missionnaires-, qui continuent à en tirer profit ?
D’après le dictionnaire français Larousse, fétiche, nom masculin, vient du portugais feitiço, sortilège, du latin facticius, non naturel).
Définitions et synonymes
1 - Objet culturel auquel sont attribuées des propriétés surnaturelles bénéfiques pour son possesseur.
2 - Animal qui est censé porter bonheur à celui qui le possède.
3 - S’emploie en apposition pour désigner un objet quelconque auquel on attache ce pouvoir : Un numéro fétiche.
Cette définition démontre que les Africains ont été manipulés et les sont encore sur l’abus du terme fétiche. Ils ont beaucoup perdu en renonçant à leur nkisi. Le nkisi n’est pas un sortilège. Le sortilège est un artifice manipulé par un sorcier ou un magicien. Le nkisi s’utilise en public dans toutes les composantes de la société africaine. De ce point de vue, le nkisi n’a rien à voir avec la sorcellerie ou la magie. Au contraire de ce que les Africains continuent à subir à leur dépens, le nkisi n’apporte aucun malheur à qui que ce soit. Le respect de la divinité et les soins apportés aux affligés pour restaurer leur harmonie physique et sociale sont des domaines très codifiés. Aucun abus n’est pas du tout toléré. Les idéologues portugais et les missionnaires le savent depuis toujours. C’est très grave. Il nous revient d’éclairer l’opinion publique africaine.
L’imposture du fétiche repose la question de la souveraineté linguistique, spirituelle, culturelle et finalement politique. Nous allons apporté une définition juste et qui correspond à la mentalité africaine. Le champ d’application du terme nkisi est vaste en anthropologie africaine. Il concourt au bien-être de ceux qui ont recours à cet objet à la fois visible et invisible.
Les Africains ne réfléchissent pas lorsqu’on leur dit que Dieu a dit ou il est écrit, selon la bible ou le coran, etc. Ils discernent, paraît-il, dès qu’ils ont affaire à une pensée ou pratique sociale africaine. Il faut comprendre ici que de pans entiers de la spiritualité, de la linguistique, de la science, de la technique et de la culture qu’ils ont héritées de leurs ancêtres ont ainsi été détruites. La crise d’Ebola démontre à quel point l’Afrique est désorganisée du fait d’imiter des formes d’organisation qui n’ont aucun lien avec leur mentalité. Tous les peuples du monde empruntent, ils empruntent librement en fonction de leurs besoins. Les emprunts ont pour finalité d’accroître l’efficience interne de leurs systèmes sociaux, économiques et politiques.
Nkisi en kikongo, kisi en lingala (langues bantoues), signifie un objet qui porte une puissance à la fois visible et invisible.
Dans sa dimension visible, le nkisi est la représentation stylisée ou artistique, généralement une sculpture d’une puissance tutélaire. Ce n’est donc pas un sortilège car il sert à appeler la bienveillance des esprits des ancêtres intercesseurs entre Dieu et les vivants.
Dans sa dimension invisible, nkisi est un des noms de Dieu. C’est Dieu en personne. Il est doué et apporte une bienfaisance.
Le terme nkisi est utilisé pour dire médicament. Dieu soigne et guérit. Le spécialiste du nkisi n’est ni un féticheur ni un sorcier, il est le pharmacien. Le nganga nkisi est un pharmacien.
À titre de conclusion, il faut faire reconnaître que « Pasi ya zoba esilaka te » : « les souffrances d’un inconscient ou d’un sot sont inépuisables ». Il suffit que chaque lecteur de ce petit article entreprenne ses propres recherches pour découvrir l’escroquerie, le scandale et l’importance du préjudice subi pour le détournement du sens réel du terme et décide de ne plus confondre fétiche et nkisi pour que des millions d’Africains soient sauvés. Dans tous les domaines où le terme nkisi est évoqué au sein de la société africaine, les bénéfices que l’Afrique tirera est considérable. Ce sera en millions de dollars économisés et en millions de vie sauvés que l’on mesurera l’apport du retour à l’authenticité africaine dans tous les domaines.